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Trois nouveaux citoyens d’honneur

Trois nouveaux citoyens d’honneur

Le 4 octobre dernier, Mesdames Gisèle Flachs et Claudine Dumez et l’abbé Jacobus Caron se sont vu remettre officiellement le titre de « citoyenne et de citoyen d’honneur de Woluwe-Saint-Lambert » en présence de leurs familles respectives, de membres du Collège et du conseil communal. L’occasion, pour le bourgmestre Olivier Maingain, de  revenir sur les extraordinaires parcours de vie de ces trois citoyens de Woluwe-Saint-Lambert et citoyens du monde.

Gisèle FLACHS, témoin de la Shoah auprès de la jeune génération

Auteure de l’ouvrage « Sous terre pour survivre. Parcours d’une enfant juive », Gisèle Flachs naît en janvier 1935 en Pologne, « dans un contexte où de nombreuses personnes n’avaient pas le droit d’exister ». Elle est une rescapée de la Shoah par balles – première phase de la Shoah enclenchée en Pologne et en Ukraine en juin 1941, il s’agit de fusillades massives responsables de l’extermination de près de 95 % de la communauté juive de ces deux pays – et l’une des rares survivantes juives de la ville de Boryslaw, en Ukraine. « J’ai survécu à des souffrances physiques et morales que notre Histoire ne doit pas oublier ! ».

Se battre pour gagner des jours de vie

Elle verra périr ses plus proches, les uns après les autres. Sa maman, après une dénonciation, se fera arrêter à la place de
sa mère pour lui éviter les horreurs de la déportation. Le gestapiste qui l’attendait prendra sa cravache et lui assénera avec frénésie de nombreux coups. « Des cris, des bras qui vont dans tous les sens », se rappelle Gisèle Flachs. C’est la dernière image qu’elle conservera de sa mère, alors âgée de seulement 28 ans. Des décennies plus tard, Gisèle Flachs s’interroge encore : « Qui nous a dénoncés ? Assurément des connaissances, peut-être même des amis. » Grâce au travail d’historiens et au soutien de Véronique de Montfort, présente lors de la remise du titre de citoyenne d’honneur, la fosse commune où gît la maman de Gisèle Flachs a été localisée il y a quelques années en Ukraine. La crise sanitaire
et la guerre d’agression en Ukraine l’ont malheureusement empêchée à ce jour de s’y rendre pour s’y recueillir.
Gisèle Flachs sera ensuite accueillie par une soi-disant amie de sa mère à qui elle devra « une obéissance absolue ». Elle s’enfuira, vagabondera seule, se fera aider par une femme polonaise, vivra dans un grenier où s’entassent des vieillards, des malades et des enfants, « tous ceux qui étaient exterminés » et qui n’avaient « pas le droit d’exister ». Elle se terrera même dans des trous, dans la forêt, durant plus ou moins deux ans, avec la sensation d’être dans une tombe.

En 1947, après s’être battue des années pour « gagner des jours de vie », elle est enfin heureuse : elle va à l’école ! Elle y découvre les livres et s’acharne pour récupérer son retard en français – elle l’apprend car son père habite en France – et en histoire. En 2021, elle expliquera : « Je me suis souvent demandé, comme rescapée de la Shoah, à quoi avait servi toute cette souffrance. A présent je le sais : témoigner. » Son souhait : « Que ces termes terribles que sont « solution finale », « ghettos », « pogroms », « extermination » et « camp de la mort » ne soient plus jamais utilisés… ».

Abbé Jacobus CARON, prêtre investi au service des résidents du home Saint-Lambert

L’abbé Jacobus Caron naît à Turnhout, en 1929. Il est ordonné prêtre en 1955 à Malines. Cet homme, qui a étudié l’ornithologie et la musique, « plus bilingue que parfait », selon sa propre définition, grandit avec 9 frères et soeurs. Il maîtrise parfaitement le latin. En homme de réflexion, il synthétise son parcours et les valeurs qui lui semblent fondamentales en 2023 dans ce chronogramme : « In sIMpLICItate CorDIs obtVLI VnIVersa Laete, sanCte, LIbenter – Dans la simplicité de mon coeur, j’ai porté toutes les choses avec joie, saintement et librement. » A noter que si l’on additionne les lettres capitales et qu’on les considère comme des chiffres romains, on obtient 2023.

Relier les hommes

A 56 ans, il devient aumônier à la maison de repos et de soins du CPAS de Woluwe-Saint-Lambert. Cette mission l’enchante, il se sent investi, mandaté par la commune. « Je sens que je ne perds pas mon temps », dira-t-il lors d’un entretien qu’il consacre aux auteurs de l’ouvrage « Des habitants racontent l’histoire de Woluwe-Saint-Lambert ». Il ajoutera : « Je suis admiratif et je me dis qu’il faut du caractère pour vivre dans une maison de repos : tous les jours le même rythme, repas à la même heure, rester immobile pendant des années, parfois en lisant des livres ».

Aujourd’hui, l’abbé Caron réside au « home » (tel qu’il l’appelle) Saint-Lambert. Et il lit beaucoup. Sur son appui de fenêtre, des textes sacrés, un ouvrage de Rousseau. Chez cet écrivain et philosophe du 18è siècle, il découvre l’importance de l’hospitalité et comprend que « le mal n’existe pas, c’est l’absence de bien ».

Jacobus Caron témoigne d’une ouverture d’esprit hors du commun. A la lecture du philosophe et théologien Kierkegaard, il retient que l’existence précède l’essence et que l’existence précède l’être. Et il ajoute qu’ « on connaît Dieu par l’expérience ». Pour l’abbé Caron, la foi se résume à quatre grands préceptes : l’intelligence, la volonté, le coeur (cordialité) et la prière. Sa pensée, respectueuse de la laïcité, trouve ses fondements dans l’étymologie même du mot religion, issue du latin religare, qui signifie relier. Relier les hommes. Et suivre l’appel du pape François : sauver les migrants.

Claudine DUMEZ, militante pour l’accès à l’école des jeunes filles

Claudine Dumez naît au Congo belge, en janvier 1943. Son enfance est « cabossée au gré des disputes entre ses parents ». Un étrange mélange d’amour fou, de haine et d’infidélités : c’est le décor familial dans lequel elle évolue.

Son père abandonne la famille. Sa mère prendra soin d’elle et de sa soeur cadette, Janine. Elle entreprend des études de  comptabilité, de secrétariat et de dactylographie. Elle se marie et donne naissance à quatre enfants. En 1980, son couple « éclate ». Chacun des parents élève deux enfants. Elle s’occupera des plus jeunes.

Son action humanitaire récompensée

Elle consacrera sa vie à la scolarisation de dizaines d’enfants en Inde. Tout commence par un bal à la clinique du parc Léopold, en 1983, lors duquel son organisatrice, Claudine Dumez, alors assistante de direction, met en place une tombola qui livrera 20.000 FB de bénéfice. Une somme importante à l’époque qu’elle veut utiliser. Mais qu’en faire, s’interroge-t-elle ? Une collègue amie lui fait alors part de l’existence de l’organisme « Shiva Seva ». Avec le concours du père Tony Falces, elle se lance dans le parrainage d’un enfant nommé Mansing, qui loge à Umarpada, dans le Gujarat, au nord-ouest de l’Inde. Son « besoin d’aider les autres » commence à s’assouvir. Mansing, Kuverji, Sukama, Savita, Vimla, Kokila, Rajul, Manisha, Rajwadi compteront parmi les premiers enfants à bénéficier du support d’ « Enfants en Inde », l’association de fait qu’elle crée et qui constituera, pour elle, « une aventure fabuleuse ».

Son action humanitaire sera honorée en 2017 par la BESIX Foundation, fondation privée qui promeut et soutient les projets contribuant à un monde meilleur, à travers les continents, et dont le siège est établi à Woluwe-Saint-Lambert. Elle
est récompensée par un chèque de 10.000 EUR ! Fidèle à ses convictions et en femme d’action, chaque euro participera à poursuivre son engagement consistant à rompre la chaîne d’un certain déterminisme social. Franche et résolument optimiste : c’est ainsi qu’elle se définit dans son émouvant livre/témoignage qu’elle rédige en 2022, « Une aventure hors normes vers un monde meilleur ! ».